Bilan des Réjouissances Passées : Première Partie

8122032587_60c64e0003_h

Comme à chaque mois de décembre, le petit monde culturel aime faire son top 50. Certains adorent, d’autres détestent, mais tout le monde commente, tout le monde donne son avis. On aime ça parce qu’en plus d’être drôle c’est souvent l’occasion de mettre en lumière certains artistes un peu passés à la trappe, ou de découvrir tout simplement un film ou un livre. Il y a quelques semaines aussi j’ai demandé à quelques homies quels étaient leurs cinq faits marquants de l’année. Première salve avec Joseph Ghosn (du magazine Obsession), Pornochio (du blog livresque Discipline in Disorder), Arturo Beauregard (du blog Je Fouille Aussi Par Derrière), Eva Revox (journaliste à Chronicart, Noise, Vice, etc.) et Guillaume Heuguet (du label In Paradisum).

 

JOSEPH GHOSN

Lee Gamble « Diversions »
Charles Burns « La Ruche »
Wes Anderson « Moonrise Kingdom »
Lana Del Rey « Ride » & « Blue Velvet »
Patrick Mauriès « Le Second Manifeste Camp »
Adam Murray & Theo Simpson « Road and Rail Links Between Sheffield and Manchester »
Clément Rosset « L’Invisible »
Silent Servant « Negative Fascination »
Takuma Nakahira « Circulation Date Place Events »
Egisto Macchi « Voix »
Kassel Jaeger « Deltas »
Sensations Fix « Music is Painting in the air »
Hendrik Hegray « Fine Young Cannibals »
Michael Abrams « Welcome To Springfield »

 

PORNOCHIO

Wild Nothing – Nowhere
Single fétiche 2012. Découvert un dimanche matin à New York, début avril chez Other Music, la vendeuse l’ayant joué six fois en une demi-heure. J’associe encore aujourd’hui ce disque au photographe Sam Falls, sans doute le plus important aujourd’hui aux USA, et dont j’avais trouvé le même dimanche matin, quelques mètres plus bas chez Dashwood, tous ces livres autoproduits tirés à 50 ex alors qu’ils mériteraient d’être connus du monde entier. Joie: Un mois plus tard, dans un échange de mails, Sam Falls m’avouait écouter en boucle ce 45 tours de Wild Nothing. Belle coïncidence (& perfect pop song).

Redshape/ Dettmann/ Berghain
Le Berghain, un dimanche midi du mois de mars : Redshape prend la suite de 5h de Garnier, et réussit à tout effacer en quelques secondes L’impression que la Techno, sinon l’Allemagne, sans parler des currywurst, ont été inventés pour aboutir là, à ces deux heures mortelles dans un cube de béton de 12 mètres de plafond. Never stop discothèque. Sinon, le mix de Marcel Dettmann – Conducted – m’a fait l’année. J’aime beaucoup prendre mon café-croissant avec.

Paul Buchanan – Mid Air
Miniatures pour dimanche après-midi d’automne, les pensées perdues dans un livre d’Echenoz ou de D’Annunzio? Compter alors sept dimanches après-midi par semaine, depuis juillet. Album de l’année, so far. Brian ferry peut (enfin) partir en maison de retraite.

Michael Nymann – 1-100 (Decay Music) (Obscure #6)
Ubuweb a mis en ligne en juillet l’intégralité du label Obscure de Brian Eno. Dont cette pièce au piano de Michael Nyman de 1976 (je n’aimais pas Nyman jusque là, trop Greenaway pour moi) qui dure près d’une demi-heure, mais que je me passe en boucle du matin au soir, en ce moment dans ma cuisine, mordant le crayon sur un livre sur Philippe Garrel à paraître en mars (enfiin, si tout va bien)

Dirty Beaches – Elizabeth Theme
Instrumental offert mi-août sur le web en prévision de deux double albums à sortir en 2013 : merveille hawaïenne traversée de remontées swamp/décharge publique. Le concert du mois de février à la Maroquinerie, précédé d’un papier d’anthologie de Didier « Felt » Péron dans Libé, m’a fait penser à une sorte de Jeffrey Lee Pierce filmé par Edward Yang période Terrorizers. Je peux pas être plus élogieux.

Lauren Devine – This is how we do Dubai
Pourquoi ce truc insensé – un titre d’eurodance pourri chanté par une grosse new yorkaise frisée et trop arty pour être honnête (marionnette derrière laquelle se cachent Laurel Halo et d’autres) servi par un clip laid-beau avec des paroles shocking cul bling bling – n’a pas été le tube de l’été qu’il aurait du être? Hein, pourquoi? Six semaines après sa sortie, devant le désastre commercial (900 vues You Tube, ce genre), ses auteurs l’ont mis eux même en téléchargement gratuit sur soundcloud. Rien écouté d’aussi con et bon cette année.

 

ARTURO BEAUREGARD

Un disque :
Lee Gamble : Diversions 1994-1996
1994-1996 : les soirées X-Pensive au Rex, courir le jeudi après-midi chez Rough Trade choper le nouveau Source Direct avec l’argent gagné le matin même à ranger des chaussures au 2ème niveau de Marks & Spencer, le Junglist Posse au What’s Up Bar… autant de souvenirs indélébiles que j’ai envie de dessiner sur ce disque tout blanc chaque fois qu’il tourne sur ma platine.

Un concert :
Pete Swanson live @ Les Instants Chavirés
Plus je vieillis, plus les concerts m’ennuient. Alors plutôt que de trainer au bar, avec les journaleux quadra qui ont tout vu, pendant que les groupes jouent, je n’y vais (presque) plus, de toutes façons je ne bois pas. Ce soir là, Pete Swanson entamait sa première tournée européenne à côté de chez moi alors j’y suis quand même allé, j’ai bien fait car il a réussi à me faire bouger la tête et  battre du pied avec sa techno des cavernes, un bel exploit, j’dois dire !

Une expo :
Archive of Modern Conflict : Collected Shadows @ Paris Photo
En allant à Londres pour l’expo de Moriyama à la Tate, j’étais persuadé de tenir là mon expo de l’année mais bien évidemment rien ne se passe jamais comme prévu ! Si les expos de photos m’ennuient autant que les concerts, les photos je les aime dans les livres, Collected Shadows m’a franchement emballé, sûrement son accrochage vertical et foutraque ! Et puis comment ne pas être amoureux d’une maison d’édition comme Archive of Modern Conflict qui ne craint pas de se lancer de façon confidentielle dans une série de livres sur les pitis chats.

Une collection de poche :
13e Note Editions : collection Pulse
10/18 a embauché le graphiste de J’ai Lu pour sa nouvelle charte graphique, un choix qui, commercialement, peut se comprendre, par contre, esthétiquement … Du coup celui de 10/18 est parti chez 13e Note s’occuper de Pulse (j’invente), c’est important la couvertures des livres. Les titres aussi : Cocaïne, Manuel de l’Usager, De Sueur et de Sang !
Je tiens à préciser ici que j’ai hésité avec une autre nouvelle collection de poche, celle de Tristram, Souple !

Un livre de photo :
Zoé Beausire : Rosette, Mauricette et Roby
J’me suis dit que j’allais quand même pas choisir un énième coffret deluxe à 300 € ou la réédition limitée à 500 exemplaires, même sublime, d’un sensei de 80 balais ! Alors cette année pas de kodachrome 70’s et pas de cerisiers japonais en fleur… ni de petite mexicaine en train de tailler une pipe à un skateur pré-pubère, j’vous vois venir ! Mais un livre qui vous donnera peut être envie d’aller voir un peu plus souvent vos grands-parents ! Toujours finir sur une note positive.

 

EVA REVOX

Upper

 
1/ PAN / HANSON / L.I.E.S. / SPECTRUM SPOOLS / HOSPITAL / TYPE / SUSAN LAWLY / SECOND LAYER / IDEAL
2012 fut un grand cru pour les micro-labels. La barrière entre dancefloor et musique extrême enfin abattue! Kill Kill Kill!

 
2/ SWANS / CUT HANDS / CHRIS & COSEY / SISTER IODINE / SCOTT WALKER / CAN
En 2012, les vétérans sont revenus à la charge. Ils ne se sont jamais aussi bien portés. Et même toujours un cran au-dessus et en avance sur tous les autres.

 
3/ HERZOG / FRIEDKIN / CARAX / COPPOLA / CRONENBERG / MEKAS
En 2012, les vétérans sont revenus à la charge. Ils ne se sont jamais aussi bien portés. Et même toujours un cran au-dessus et en avance sur tous les autres.

 
4/ KAROO, de Steve Tesich (Monsieur Toussaint Louverture) et BALTIMORE de David Simon (Sonatine Editions)
Deux livres, deux claques. Leurs traductions respectives était attendue depuis vingt ans. Ô miracle, les deux font un carton en librairie.

 
5/ FRERES CHAPUISAT / FLORIAN & MICHAËL QUISTREBERT / GICQUEL & DEWAR / LILI REYNAUD-DEWAR / JONAS DELABORDE & HENDRIK HEGRAY
Couples ou fraternités, les artistes contemporains qui comptent vont souvent par pair ou par collectif. Le mythe de l’artiste à l’ego démesuré serait-il enfin en train de s’effondrer?

 
Downer

1/ La Grande Faucheuse n’a pas chômé en 2012. Je pense surtout à la mort de Mike Kelley, de Moebius et d’Oscar Niemeyer, trois des plus grands créateurs de la fin du XXème siècle. Fanculo la Mort.

 
2/ La situation géopolitique qui sent le roussi, avec des polarités de plus en plus extrêmes et une troisième guerre mondiale qui nous pend au nez. Je déconne pas. Fanculo le non-droit.

 
3/ Le revival 90’s à toutes les sauces qui ne fait que commencer. J’en suis déjà écoeuré par avance. Trop de retromaniaquerie,de poseurs shoe-glaise, de dip haousse chiantissime, d’IDM 2.0, de fashionista new wave à deux balles, de neo-anorak pop (déja pénible à l’époque). Fanculo les hipsters.

 
4/ La disparition à petit feu des clubs et des salles de concert dignes de ce nom. A Paris, les clubs riment toujours avec « jeunesse dorée » et les salles de concert riment toujours avec « se faire de la thune sur le dos des organisateurs ». Fanculo les gérants véreux.

 
5/ La mort prématurée du journal BALISE. Le journal gratuit dont vous n’avez jamais entendu parler et dont j’ai été rédac chef. Trois numéros et puis s’en vont. Fanculo le Batofar et l’I:Boat qui l’ont financé puis planté, en plantant tout le monde avec. J’espère que vous coulerez bientôt au fond de la Seine et de la Garonne.

 

GUILLAUME HEUGUET

Janvier 2012 – IUEKE – Tapes (Antinote)
Quand Quentin « Zaltan » me fait écouter ces edits de sessions live de 1992, je n’en crois pas mes oreilles. A ce moment là, je suis en train de préparer le disque de Somaticae pour In Paradisum en me demandant si ça va parler à quelqu’un, et j’ai l’impression que ces cassettes m’envoient un message comme « n’aie pas peur de l’avenir, tout est prévu ».

Juin 2012 – Revue Audimat (Les Siestes Electroniques Editions)
Bon, deux lignes d’autopromo, mais c’était un vieux rêve ! J’avais arrêté d’écrire sur la musique par frustration vis à vis des magazines, j’y ai repris goût en fabriquant cette petite revue avec mon complice Etienne Menu.

Juin 2012 – Tsonga/Djokovic et Nadal / Djokovic (Rolland Garros)
D’abord un duel quasi métaphysique entre Tsonga, joueur créatif mais instable et la machine serbe ; puis deux forces qui ont tendance à s’annuler sur les échanges mais donnent un scénario ultime avec pluie, report, et retournements en fin de match. J’y ai investi mes inquiétudes et superstitions du moment et j’ai décidé de reprendre le tennis.

1er novembre 2012 – Pete Swanson live (Instants Chavirés)
En vingt minutes live, Pete Swanson dépasse en même temps les limites du noise et celles de la techno. Même si on y entend moins de mélodie qu’avant, je trouve que sa musique a toujours quelque chose de profondément romantique.

25 novembre 2012 – Adam Harper, Infinite music  (Zero Books)
J’ai été gentiment scandalisé par Retromania et sa réception, la façon dont le livre a cristallisé un certain nihilisme de comptoir alors qu’il souhaitait ouvrir la conversation. Adam Harper ne prétend pas répondre à Simon Reynolds. Mais sa manière d’aborder la musique lui fait écho. Infinite Music laisse penser que l’idée d’une espèce de « fin de l’histoire » des « musiques populaires » marque surtout les problèmes d’une critique musicale généraliste qui voudrait juger de tout sans engagement.

10 Commentaires

  1. Pingback: Des choses de 2012, via Oedipe Purple «
  2. Guy-Jean

    Techniquement, l’Iboat ne mouille pas dans la Garonne mais dans le bassin à flot numéro 1, aménagé au XIXe siècle pour désengorger le port de la Lune. Pour le reste, je suis d’accord – à l’abordage!

    Ah oui et merci M. Heuguet de dire enfin quelque chose de sensé à propos de Retromania.

  3. Pingback: Bilan des Réjouissances Passées : Seconde Partie « oedipepurple

Laisser un commentaire